IVG: Quel avenir pour la loi Veil ?

 

On se croirait revenus il y a un an, le même scénario ; le gouvernement via Martine Aubry se proposait de " réviser " la loi Veil sur l'Interruption Volontaire de Grossesse, à l'occasion de ses 25 ans en l'an 2000. Après seulement quelques articles dans la presse , Mme Aubry revient vite sur son projet, se bornant à constater les réelles difficultés d'accès à l'IVG en France (Rapport du Professeur Israël Nysand). Ainsi le mois de janvier venu, le Parti Socialiste préfère s'investir dans la commémoration de cette grande avancée pour les femmes (manifestation du 15/01/2000), pour mieux étouffer les vrais problèmes.

En effet, la loi Veil avait, au prix d'une âpre lutte des féministes, ouvert un droit à l'avortement dans un délai " légal " de 10 semaines de grossesse. Mais depuis silence radio, on fait savoir que les femmes ont gagné et que ce n'est plus la peine d'être féministe! C'est oublier que : D'une part, l'avortement reste un délit inscrit au Code pénal; la loi Veil n'a autorisé qu'une tolérance légale de dix semaines ; il est toujours interdit de parler publiquement de l'Ivg, sous peine d 'être accusé d'en faire la " propagande " qu'il s'agisse des procédés, des établissements ou des médicaments. Les contrevenant-e-s encourent des peines de 2 mois à 2 ans de prison ainsi que des amendes. D'autre part, que ce droit à l'avortement est très relatif voire inégalitaire selon que l'on est mineure et/ou étrangère et/ou sans-papière, et/ou démunie. Par ailleurs la polémique monte dans une atmosphère particulièrement défavorable. Les lobbies organisés autour d'un pôle " provie " qui regroupe toutes sortes d'associations catholiques, familiales, anti-pacs, " survivants " et autres compagnons de Christine Boutin mettent la pression. C'est une véritable campagne de retour de l'ordre moral ! Pour preuve le Conseil d'Etat arbitre en leur faveur par une double décision. La circulaire mettant à disposition sous le contrôle d'infirmières scolaires, la pilule du lendemain (contraception d'urgence), le Norlevo, dans les lycées est annulée suite à un recours d'associations familiales, le 30 juin dernier. Le Conseil d'Etat a également retiré le visa d'exploitation au film Baise-moi de V. Despentes pour le reléguer dans les cinémas X.Dans un tel contexte et pour couper court à la critique, le premier ministre Lionel Jospin a donc annoncé la présentation d'un projet de loi dès la rentrée, le 4 octobre 2000.Le débat public est posé principalement autour de deux axes : la question des délais, et l'autorisation parentale pour les mineures. Martine Aubry a d'ores et déjà fait volte face ; elle est désormais hostile à l'allongement des délais à 12 semaines et à la suppression de l'autorité parentale.D'autre part le Professeur Nysand, auteur du rapport et expert de service est franchement contre l'allongement des délais évoquant une tentation eugéniste à laquelle les femmes pourraient céder en cas de malformation du fśtus ou du sexe qui ne conviendrait pas . Mêlant ainsi le droit de choisir d'avoir ou pas un enfant avec les avortements thérapeutiques. Il plaide une solution au cas par cas, c'est-à-dire pour quelques milliers de femmes pour éviter que la tolérance légale ne soit portée à douze semaines.Il faut cependant rappeler que les délais en Europe sont dans beaucoup de pays supérieurs à ceux pratiqués en France (voir tableau). Ce qui démontre tout à fait le caractère fortement idéologique du " problème ". On se retrouve ainsi dans une situation où l'on ne parle plus de l'IVG que comme réponse dans certains cas à " une grande détresse des femmes ". Que fait-on du droit légitime de disposer librement de son corps et de sa vie ? Ceux qui crient à l'eugénisme sont souvent aussi par ailleurs les médecins qui travaillent sur la génétique fśtale de plus en plus tôt, dès la détection de la grossesse. Enfin, ne pas reconsidérer l'autorisation parentale pour les mineures reviendrait à asseoir encore un peu plus l'autorité patriarcale de la famille ; on accorde le droit aux parents d'imposer un enfant à leur fille mais pas celui de le refuser. Si une jeune fille est "capable" d'avoir un enfant et de l'élever toute sa vie, elle doit aussi pouvoir prendre elle même la décision d'y renoncer. La discussion de ce projet de loi promet donc d'être houleuse…En attendant la suite des événements et pour terminer sur une note plus optimiste, il faut quand même signaler la re-codification du code de la santé publique (Article L162-11 du C.S.P.) en date du 18 juin 2000 en ce qui concerne les étrangères ; toute condition de résidence est supprimée, il n'y a plus désormais de justificatif à fournir pour avoir accès à l'I.V.G. Prochoix-Toulouse (contact : www.prochoix.org)Prochoix-Toulouse appartient au réseau pour le droit de choisir (sa vie, sa sexualité, son pays…). En plus de la diffusion de la revue d'investigation " Prochoix ", le groupe milite au quotidien et dans la mixité sur les questions de l'antisexisme, du féminisme, des droits des homosexuel-les.