Autonomie et Démocratie locale

 

AUTONOMIE

Aujourd'hui, partout à travers le monde, les populations revendiquent de se gouverner elles-mêmes, là où elles sont, localement. D'un point de vue global, que l'on constate en voyageant, les hommes en s'adaptant à chaque terroir diffèrent ont créé autant de cultures et de sociétés différentes.Dans les Pyrénées, la population avait obtenu de la féodalité le respect de lois (fors) qui la laissaient libre de se gouverner selon ses coutumes : pour des bourgs d'abord (for de Jaca de 1076? D'Oloron de 1080, d'Estella de 1090, de Morlàas de 1117), du païs et des vallées ensuite (for général du Béarn de 1108, d'Ossau de 1221, d'Aspe de 1222, du Barétous de 1247)... Ces fors ont représenté les libertés locales jusqu'en 1789. A la révolution, les droits de l'homme ont été obtenus aux dépens de l'autonomie locale (par "l'homme", on considérait en fait le bourgeois et non plus ici le chef de famille qui représentait auparavant "la maison").En Suisse, les communes et les cantons, formés aussi depuis le moyen âge, ont pu préserver cette autonomie, la "République helvétique une et indivisible" imposée par la France en 1798 fut rejetée en 1803. Aujourd'hui, cette autonomie apparaît clairement dans la répartition du budget public.En France, la commune qui veut réaliser un projet consistant est soumise à l'accord d'un dossier de subvention par le département, la région, l'Etat et parfois l'Europe. Dans les faits, c'est l'accord de l'Etat qui est décisif. En Suisse, les communes et les cantons ont un budget suffisant pour agir comme ils l'entendent ! Le préfet est remplacé par un conseil cantonal (appelé Conseil d'Etat) élu qui est l'exécutif. Le schéma et l'encadré (n°1 e n°2) expliquent le partage des compétences entre la Confédération, le Canton, et la Commune. Le Canton, comme un état souverain, possède son gouvernement, son parlement, ses lois et ses tribunaux. La Confédération est l'interlocutaire commun pour l'étranger (diplomatie, armée) et le lien entre cantons (services publics communs économiques et financiers).Les 23 cantons ne sont pas des entités administratives imposées, ils correspondent à nos païs, à des régions naturelles où l'homme a dû s'adapter, sans considération abstraite de surface ou du nombre d'habitants qui varie considérablement.

DEMOCRATIE

L'autonomie peut être très préjudiciable, en dehors d'une véritable démocratie : la décentralisation française a servi parfois la mégalomanie de nos élus! En France, nous sommes bien éloignés de cette démocratie. Nos maires et conseillers généraux se voient délégués leurs pouvoirs à chaque élection, sans aucun contrôle "citoyen" (puisque ce mot est tellement à la mode) pendant leurs mandats : nos élus gèrent nos affaires dans le secret de leur cabinet (à cause de l'odeur), nous ne voyons les choses réalisées que superficiellement, sans savoir ce qu'on aurait pu faire d'autre et dans quelles conditions. Leur bilan est un autosatisfécit dont la qualité de la duplicité fait la réélection : "dormez, brave gens...on s'occupe de tout!". Il suffit d'assister à un conseil municipal pour comprendre qu'il ne s'agit que d'une chambre d'enregistrement où il ne reste à l'opposition qu'un jeu théâtral et impuissant. Le conseiller municipal a intérêt à être dévoué et docile s'il veut avoir l'honneur d'être sur la liste du maire (et bien placé!). Au Conseil Général, le jeu consiste à se répartir ce que permet l'Etat en bonne intelligence. De tout cela, il ne résulte que clientélisme et corruption.En Suisse, les institutions locales sont plus démocratiques. Le premier principe, c'est l'indépendance entre exécutif et législatif (c'est pourtant simple). Dans la commune, suivant le schéma ci-contre, le maire (syndic) et ses adjoints ne peuvent qu'exécuter les décisions du Conseil Communal et sont sous son contrôle, et le maire n'a aucun moyen de pression sur l'assemblée car celle-ci est élue indépendamment et peut délibérer librement. Au niveau du Canton, suivant les schémas (n°3 et n°4), c'est la même indépendance entre le Conseil d'Etat et le Grand Conseil : l'exécutif est obligé de suivre les décisions de l'assemblée. Le second principe, c'est l'intervention directe de la population dans la prise de décision avec la "votation", référendum décidé à la demande du Conseil Communal ou d'un certain nombre d'électeurs ; ceux-ci peuvent encore prendre l'initiative des lois cantonnales. La votation a l'avantage d'entraîner un réel débat public.

PROPOSITIONS

La Suisse n'est peut-être pas un idéal d'institution, mais en tout cas, elle nous montre une voie de réel progrès d'autonomie et de démocratie ; c'est sans doute pourquoi nos jacobins se gardent bien d'en faire allusion, la France n'a-t-elle apportée la Révolution au monde (après les Etats-Unis!).Nos païs sont ses Cantons, avec leur diversité et leurs spécificités. Je pense cependant qu'aucune entité territoriale ne doit être imposée : ras-le-bol de décréter aux gens ce qui est bon pour eux! C'est à la population de s'exprimer électoralement en tout et pour tout! Pourquoi ne pas imaginer une consultation générale, chaque commune décidant dans quel païs elle se reconnaît, chaque païs décidant de son type d'autonomie (y compris l'existant) et dans quelle institution elle veut s'inscrire (Etat français ou autre, Confédération Occitane, Région européenne, etc..). Ces choix étant d'ailleurs à reconsidérer à la demande (comme le fait par exemple le Québec) en fonction des évolutions.Qui pourrait contester de telles décisions ? Combien de conflits pourraient être résolus dans le monde avec de telles initiatives? Ne pas le faire, c'est reconnaître que la "nouvelle économie" qui mène le monde a besoin que les populations soient bien "tenues en main".Mais nous devons exiger encore plus de démocratie locale. C'est à l'échelle des quartiers et des villages qu'il est nécessaire d'organiser des assemblées populaires afin de pouvoir débattre et décider. Aujourd'hui que la communication est tellement facilitée, comment la gestion politique peut-elle être tellement opaque ? Ce paradoxe est scandaleux, pourquoi accèder à tant d'informations à travers le monde alors que ce qui se décide dans son quartier est un fait accompli ? A quelques mois des élections municipales il est urgent de réagir très vivement et d'interpeller tous ceux qui parlent de "démocratie"!Enfin, le local n'est pas anachronique, bien au contraire ; Manuel Castells dans son traité de "l'ère de l'information" (Har/Far de deceme 99) écrit: "L'ère de la mondialisation économique est aussi celle de la décentralisation du politique. Les pouvoirs et les ressources qui manquent aux collectivités locales, elles les compensent par la flexibilité et les réseaux. Elles sont les seules à égaler en dynamisme les réseaux mondiaux de la richesse et de l'information."L'avenir politique, c'est l'interaction entre le mondial et le local. Le mondial car il n'y a pas de frontières à nos problèmes et il faudra "penser global" ; le local car c'est là où s'appliquent les décisions et il faudra "agir local". Anaram au Patac a la volonté d'agir localement ; je crois aussi qu'il faudra se donner les moyens d'être "citoyens du monde" (l'association existe : 15 rue Victor Duruy 75015 Paris).

Robert ANDRE