1907, la revòlta del Miègjorn.

 

 

 

Introduction : "Era l'an 1907, los paures manifestavan...

 

Pourquoi n'a - t -on pas oublié, Entre Gard, Hérault, Pyrénées - Orientale et au-delà, l'insurrection du midi viticole de 1907 ? La mémoire collective, conserve au coin du feu de génération en génération, cette épopée occitane, qui pendant deux mois a fait trembler la France et renouer le pòble d'oc avec son passé tragique...

 

Il y a 93 ans, de mars à juin, dans tout le Midi viticole, en crise, de nos frères catalans au Languedoc, au son du Tocsin, (Journal de Marcellin Albert), ce qui s'appelait, "los que crevan de fam", se jettent chauffés à blanc dans les rues, et affronte l'armée française...

Et cette image qui a fait le tour du monde, celle de nos "piou-piou", crosse en l'air, mutinés du 17e RI, refusant de tirer sur la foule "perque pòble e soldats eran fraires".

 

A) "Los rasims de la colèra."

  

La crainte de l'excédent, de la mévente, est pour le Midi viticole, à la fin du XIX° siècle, déjà, une obsession, une question de survie..

 Pourquoi ? Après la crise du Phylloxera des années 1890, la viticulture est désormais soumise aux lois du marché capitaliste. La replante de nouveaux ceps, les moyens nécessaires, ont poussé à la concentration des terres, l'exode rural... De plus, se développe, une spécialisation dans le "vignoble de masse", monoculture tournée vers l'exportation. La surproduction, fait diviser par trois le prix de l'hectolitre de vin, le marché reste saturé par des produits de qualité douteuse, trafiqués par l'utilisation massive de sucre des betteraviers du Nord, qui enrichissent plus l'industriel que le viticulteur.

 

Dans ces conditions, il faut vendre pour faire des profits, mais le producteur ne définit plus le prix, il le subit. Le petit propriétaire, n'est plus que le maillon au centre d'une chaine, entre banquier et négociant.

 

Ce qui amplifie la crise, c'est la structure, la nature même de la propriété privée, dominée par le petit exploitant qui assume avec sa famille et la communauté villageoise, en rapport d'entre d'aide, l'ensemble du travail de la vigne. Dans la plaine languedocienne, reste très majoritaire, le fier cultivateur, qui vit de son bien, symbole, de cette "République au village" d'après 1848, indépendante des grands notables. A ces côtés l'ouvrier agricole, accroché à quelques ares, loue ses bras "aux gros" pour compléter ses revenus, tous deux sont solidaires, car menacé par la faillite et la prolétarisation.

 

Au village, dans cet espace de liberté politique, rien d'étonnant que dans le "Midi Rouge", les idées républicaines avancées (rad-soc), même socialistes soient majoritaires. Nul oubliait sans doute, la Commune de Narbonne de 1871 et la main donnée par les ouvriers à leurs frères paysans...

 

Il ne suffit pas que les conditions nécessaires d'une révolte existent, pour que celle ci éclate, il faut le déclencheur... Là, s'inscrit la personnalité de Marcellin Albert, modeste cabaretier et ses " 87 amis du comité de défense viticole d'Argelliers " au cri de "non au sucre", "non à la fraude", le "Tocsin" met le feu à la plaine !

 

 

B) L'Insurreccion : De la justicia per lo vin fins a la justicia per l'Occitania...

 

Parti une poignée de "fous", ils arrivèrent des centaines de milliers...

 Au nom de la "Justice pour le vin", tout commence le 14 mars 1907, le journal de Marcellin Albert appelle à manifester... Ils sont quelques centaines entre Béziers et Narbonne, à revendiquer leur droit à vivre de leur travail... Mais, rien désormais ne pourra arrêter l'escalade, l'histoire qui sait donner des vertiges, va s'accélérer, processus qui rassure de l'avenir de l'humanité et notre idéal révolutionnaire...

 

Tous les dimanches du mois de mars à juin, les manifestations vont crescendo et s'enflent. Le 09 juin, uniquement à Montpellier, ils sont plus de 500000, soit plus d'habitants que la ville de l'époque... 

Les municipalités, accueillent de partout les révoltés, les églises et cathédrales s'ouvrent pour la nuit et accueillir femmes et enfants. C'est notre midi chaleureux pris d'un coup de sang, solidaire dans la lutte, qui s'organise, se radicalise... Les cheminots font des prix à tous ceux qui en train spéciaux convergent vers nos métropoles... Les conseils municipaux en bloc démissionnent, des drapeaux noirs sont plantés sur les mairies par centaines, on boycotte l'impôt. C'est par ville, village entier, derrière le maire, le curé, l'instituteur et même le notable, pour exiger, "le vin naturel"... Nous l'exigeons encore...

  

A ce moment le gouvernement français a choisi sa tactique, laisser pourrir la situation, attendre... Pour écraser ensuite... Cette politique délibérer Clemenceau qui exaspère nos méridionaux va entraîner le mouvement sur un terrain où personne ne l'attendait, Justicia per l'Occitania...

 

Le 5 mai 1907, devant un public monstre, Ernest Ferroul,le socialiste, l'ami de Jaurès, le maire de Narbonne devient le second grand personnage de cette lutte... Il dénonce... "Les barons de l'industrie du Nord, qui nous ont envahis et ruinés, "qu'il ne faut plusles supporter", rappelle, "les nobles chevaliers de jadis, venant réduire les cathares", exalte "l'occitan contre le négociant" parisien, en appelle même à Mistral.

 

C'est en occitan que le peuple hurle, on voit sur les affiches, pancartes, "La França laissara mouri ta vigna", "la triquo se preparo", "l'armada dels estranglats, arrestas vos ou vous farem calà"... Tout cela annonce le retour fracassant de notre passé, d'une passion si longtemps refoulées... Bref le mouvement prend sa dimension que l'on pourrait qualifier aujourd'hui d'occitaniste...

  

C) Quora l'estat francès mostra sa natura policièra e coloniala.

 

La responsabilité de la violence, qui début juin va secouer le midi, est de la volonté délibérée du "premier flic de France", Georges Clemenceau qui décide d'envoyer la troupe pour écraser les manifestations, au lieu de prendre les mesures concrètes exigées, comme la taxation du sucre ou répondre à la chambre aux propositions de Jaurès.

 Pour empêcher les manifestations, on arrête les meneurs, on les salit publiquement. On assiste à une occupation militaire systématique, la région est placée sous la menace du sabre et du chassepot, le pays est quadrillé, en état de guerre.

  

Là devant la provocation, la répression injuste, la colère du peuple devient fureur...C'est l'embrasement général... le 20 juin à Narbonne, c'est partout la chasse au gendarme, aux indics, aux journalistes, on insulte l'armée, on jette dans le canal l'inspecteur de police, l'armée tire 5 morts. Le sang du peuple occitan a coulé !

 

En réponse à cette horreur, partout les villages se barricadent, à Narbonne on voit ressortir le drapeau de la Commune caché depuis 37 ans.Du 20 au 21 juin, la préfecture de Perpignan est incendiée, on dépave, de Béziers à Paulhan. A Montpellier on brise les réverbères, on dresse des fils de fer dans les rues, pour faire chuter les charges de dragons... Tous savent pour Narbonne, "vengeance", "on assassine nos frères, nous voulons les défendre".

  

A ce cri le 17e régiment d'infanterie, se mutine, dans la nuit du 20, armés jusqu'aux dents, décidés à protéger les leurs, ils montent sur Béziers... C'est évènement exceptionnel a une raison, l'immense majorité des recrues, sont de la région, d'anciens cultivateurs, ruraux déclassés. C'est leurs parents qui manifestent et qu'on exécute... Eux, occitans sans en avoir conscience, ont posé par leur acte de désertion magnifique, ce sacrifice, qui les enverra mourir dans les régiments disciplinaires, l'amorce d'un sentiment identitaire, celui de faire passer avant le service de l'état français, l'intérêt de "nòstre pais". Ce sont eux qui l'illustre le mieux l'unanimité réelle de nos pères dans cette insurrection du Midi.

 

 

D) Quinas leicons politicas pòt tirar nostra movement, d'aquesta

insurreccion ?

  

Classiquement, c'est l'état bourgeois, par sa brutalité, l'état colonial, qui par le nombre de ses soldats, la force pure et l'hypocrisie, a écrasé sans état d'âme l'insurrection. Jamais les méridionaux n'ont manqué de vigueur, d'audace, de courage...

 

Sans vouloir paraître anachronique on peut dire, dans ses perspectives, son organisation, le mouvement n'a jamais été pan - occitan, même s'il a révélé une fois de plus l'amitié, la solidarité, occitano - catalane, l'action dans quatre départements ce n'était pas suffisant.

 Ce ne sont pas les propos régionalistes, dans les meetings, qui aurait pu, mettre en pratique, des perspectives nouvelles. Aucune organisation politique structurée, ouvrière ou paysanne, révolutionnaires, encore moins occitane, n'était en mesure de faire sortir le mouvement de l'ornière strictement catégorielle, en avançant un projet de société global intégrant les difficultés viticoles. Sans compter qu'avec la répression, rien, n'était " militairement " disposé, pour opposer à une armée professionnelle, une quelconque résistance efficace. 

De plus, alors que le mouvement ouvrier, aurait pu se solidariser, plus encore, et avancer des pespectives, les socialistes ont paru perdus dans cette lutte "interclassiste".  

 

 Seul Jaurès à la va vite, proposera à la chambre, un projet autogestionnaire. Dans la "Dépêche" du 26 mai 1907, il explique qu'il faut "sauvegarder l'unité du Midi", "développer une organisation solidaire, de la production et de la vente avec la participation des prolétaires du Midi". Il parle même quelques jours plus tard, "d'une nationalisation, des domaines viticoles, qui devront être exploités, par une association des travailleurs de la vigne. Tout cela était trop éloigné, encore, des aspirations des petits exploitants, attachés à la propriété privée, et pas non plus une rupture, avec un capitalisme dont les règles du jeu, n'était pas remise en cause.

 

 En tout cas, il faut quand même retenir que Jaurès n'hésitera pas à s'attaquer à la monoculture, précisant "qu'il est dangereux pour un paysde laisser porter par un seul produit toute sa fortune". 

Numériquement le mouvement fut dominé par de non-viticulteurs. Artisans, commerçants, salariés, déclassés, monde rural et urbain réunis dans les comités de défense viticole, se retrouvent toutes les couches sociales, des formes de démocraties directes de "décidir e viure al pais", où l'intérêt personnel était dépassé par celui du "pais" dont la viticulture restait l'élément clef.

 

Par sa nature, ce mouvement, du début à la fin porte la marque d'une lutte catégorielle, la défense viticole, contre le marché, la surproduction, l'industriel betteravier, soit une forme d'anticapitalisme, contre les profiteurs. Cependant entre l'anticapitalisme tripal et la proposition consciente, d'autres règles du jeu, en rupture radicale, s'ouvrant socialement, politiquement, à d'autres pans de la société, vers la classe ouvrière, à l'époque, déjà qualifiée dangereuse, bref, entre révolte et révolution, il y a un monde que le mouvement de 1907 n'a jamais dépassé.

 

 

Conclusion : A l'heure où d'autres luttes ont ponctué depuis l'Istoria Occitana, des grèves de Decazeville, du Larzac à la tragédie de Montredon... Que dans le monde agricole, la surproduction, régulatrice du capitalisme, la mondialisation provoquent jusqu'à Millau des mouvements de masse, l'éclosion d'un mouvement occitan qui rentre, comme le dit Lafont, dans un troisième temps doit changer les données et peser sur les évènements.

 L'insurrection du midi de 1907 doit nous donner confiance, il est une borne, un jalon, de notre histoire à redécouvrir... jusqu'à l'école.

 

Jamais notre peuple occitan, n'avait été depuis la Croisade contre les Albigeois, aussi uni et solidaire. Sûr qu'il retrouvera ses chemins, qu'il s'inscrira dans d'autres combats dont nous devrons être, car c'est là, seulement que se crée, notre avenir, d'être des hommes économiquement, socialement libre, l'identité d'être occitan, "per un jorn aver lo drech, de bastir una Occitania, independanta e frairala".

 

 

 

Bibliographie indicative

 

A) Sources

o Archives de la guerre : Registres matricules du

recrutement, Béziers, 1903, 1904, 1905.

  

B) Ouvrage et article scientifique

  

o Jean SAGNES : "Le mouvement de 1907 en Languedoc -

Roussillon" : De la révolte viticole à la révolte régionale. Le

mouvement social n°104, année 1978

 

o Jean SAGNES : "Jean Jaurès et le Languedoc viticole",

Presse du Languedoc / Max Chaleil, mai 1988, 127 pages.

 

o Yvette et Jules MAURIN, "L'insurrection du Midi",

l'Histoire n° 20, février 1980, pages 23 à 31.

 

o Témoignage de François - Joseph RABAT dans le Midi

Libre du 24/06/1979 (dernier survivant, des mutins du 17°RI)

 

 o Laura FRADER : Paysannerie e syndicalisme : Les ouvriers

viticoles de Coursan (1850-1914), Cahier d'histoire et d'étude Maurice

Thorez, n°28, 4° trimestre 1978 pages 11 à 38.

  

C) Bande dessinée

  

o Paul ASTRUC, La révolte des vignerons, "Un coquelicot dans la

vendange".Editions la loubatières Toulouse, 1984.

 

E) poème

  

"Défense viticole et solidarité Occitano - Catalane."

 Els Focs D'aquest Sant Joan (juny 1907)

 J. Maragall, Poesia completa, Editorial Empuries, Barcelona, 1986, pp

205-207

 

F) Document sonore

 

Canson : Lengadoc Roge, paraulas de Marti, dins, Lo païs que vol viure,

edicion Ventadorn, IEO Béziers.

 

Chanson : Gloire au 17°

 Paroles : Montéhus, musique : J. Chantegret et P. Doubis